Natures (2020)

« Le titre l’affirme sans ambages : il s’agit de percer la nature des choses – mais cette nature n’existe qu’au pluriel, que fuyante et suprêmement proche à la fois, impossible à saisir et pourtant saisie par le regard qui se pose, avec une douceur nouvelle, sur l’évanescence du réel.

Les images fusionnent les contraires, ombres du jour et clarté paradoxale de la nuit, matière organique encore vibrante de la vie qui palpite dans l’aile d’un papillon ou le mouvement brownien d’un pollen et matière minérale figée dans son éternité géologique, vol aérien d’un poisson et rigidité liquide d’un bassin qu’animent des reflets souterrains, sauvagerie altière d’un monde intouché par l’homme, qui a pourtant taillé dans le vif d’une souche pour en extraire ces restes négligeables, morceaux de bois auxquels l’image vient rendre une dignité sereine.

C’est que le vol immobile d’un rapace sur la ligne du ciel n’est peut-être que la réplique animée de ces troncs qui enchevêtrent l’ombre et la lumière dans leur affinité secrète ; et que rien ne ressemble plus à la douceur d’un tapis de feuilles légèrement soulevées par la brise que la branche mélancolique d’où elles sont tombées. La vision qui sait capturer les contraires sait aussi les réconcilier.

Peut-on aller jusqu’à l’essence des choses, des êtres ? Peut-être, affirment ces images, à condition d’accepter qu’ils se présentent à notre regard dans leur compacité irréductible, sans violence pourtant, éclairés par la lumière dure et douce de la photographie qui vient, plus que jamais, nous aviser de l’insoutenable densité de l’être. »

 

Cécile Tarpinian, 2021